Chroniques de Plantes ...

Z'Herbages de l'Île de la Réunion

Partons à la découverte de quelques Z'herbages réunionnais

2/8/22
Z'Herbages de l'Île de la Réunion

Il y a 3 millions d’années, le Piton des neiges émergeait des flots, donnant naissance à une île chère à mon cœur : L'Île de la Réunion. Cette île tout aussi volcanique, qu’océanique et montagneuse se situe au cœur de l’océan Indien, les pieds dans le lagon, la tête dans les étoiles. Elle fait partie des 35 spots mondiaux de biodiversité puisqu’on n’y dénombre pas moins de 130 milieux naturels différents qui abritent une flore exceptionnelle. Plus de 230 espèces végétales uniques au monde s’y épanouissent, grâce notamment à la diversité de son climat, qui constitue pour cette végétation endémique, un lieu de vie idéal. 

Cette flore indigène est, en partie, un héritage des différents peuples migrants, notamment français de métropole (les « Z’oreilles » ou « Zoreys » en créole), indiens, malgaches et africains. Lors du peuplement de l'île et en plus des plantes, ces nouveaux venus ne manquèrent pas d’enrichir de leurs connaissances en phytothérapie, celles déjà issues d’un savoir empirique transmis par les esclaves marrons. Car la médecine traditionnelle réunionnaise s’appuie très largement et depuis longtemps, sur l’utilisation des plantes, qui sont le plus souvent consommées sous forme de tisanes ou de décoction (« Z’herbages »). Elles y sont volontiers associées à divers rituels, prières ou cultes religieux, car sur l'île, les guérisseurs sont convaincus que la plante, en plus de ses principes actifs détient un pouvoir spirituel, une âme, qu’il convient d’honorer afin de lui permettre d’ exprimer son plein potentiel curatif. De la même manière, de nombreuses pratiques liées à la médecine traditionnelle réunionnaise font référence à la numérologie : on y retrouve très souvent les chiffres 3 et 7, qui sont des « chiffres magiques » : Le 3 pour guérir et le 7 pour repousser la maladie,  c'est pourquoi, lors de la préparation d'une tisane l’on s’assurera de toujours choisir un chiffre impair (prendre 3 feuilles à faire bouillir). Ces chiffres sont également utilisés par les guérisseurs, pour la confection d'amulettes (appelées par les locaux « garanties »). Ces cordons, nommés « cordons de Saint-Vincent » sont traditionnellement de couleur noire et réalisés avec 7 petits nœuds. Les créoles lui confèrent, vous l’aurez deviné, le pouvoir d'éloigner la maladie.

Découvrons ensemble, quelques-unes des merveilleuses plantes médicinales de la réunion :

Ayapana (Ayapana triplinervis) : reconnaissable grâce à ses 3 nervures parallèles présentes à l’arrière de sa feuille (triplinerves) elle appartient à la famille des Astéracées « Asteraceae ». Cette plante très connue à l'île de la Réunion n’est cependant pas endémique de l'île : d’origine amazonienne elle fut introduite dans l’archipel des Mascareignes par le capitaine danois Céré à la fin 18ème siècle. Les Indiens l’utilisaient à l’époque, afin de favoriser la cicatrisation des morsures de serpents.

Les feuilles de l’Ayapana sont principalement constituées d’alcaloïdes, de tanins, de coumarine et d’une huile essentielle contenant des dérivés triterpéniques et un phénol. Dans la pharmacopée créole, l'ayapana constitue la " tisane miracle ", la panacée contre tous les maux, c’est pourquoi elle est intégrée à de nombreux mélanges.

Bien qu’elle ait une action diurétique, purgative, astringente et sudorifique, elle est surtout réputée dans les troubles digestifs, et peut s’avérer utile après ’un repas trop copieux, en cas de flatulences, de constipation, de coliques ou de brûlures d’estomac. En décoction, ses feuilles sont utilisées pour soigner les morsures et désinfecter les plaies. On retrouve également son usage en cosmétologie, ou ses extraits sont connus pour protéger et revitaliser la peau.

Préparation de la tisane : 3 à 6 feuilles par tasse, verser de l’eau bouillante sur les feuilles et laisser infuser 10 minutes. A boire après le repas en cas d’inconfort digestif.

Contre-indication : ne pas utiliser chez l’enfant (présence de coumarines), la femme enceinte et allaitante et en cas d’obstruction biliaire.

Le Benjoin (Erminalia Bentzoe): bien qu’originaire d’Asie, cet arbre de la famille des Combretacée (Combretaceae) est une plante endémique de l'île de la Réunion, citée dans la pratique herbaliste réunionnaise comme un incontournable. Le mot benjoin vient de l'arabe « luban jawi » qui signifie "encens javanais". C’est un bel arbre, au port étagé avec des branches quasiment à l'horizontale. Il peut atteindre jusqu'à 30 m de hauteur. Ses jeunes feuilles sont de couleur rougeâtre à nervures violacées qui virent au vert légèrement orangé à l’âge adulte.

D’un point de vue chimique, le benjoin contient des acides et esters phénoliques, des polyphénols et des stérols.

Référencé dans plusieurs ouvrages anciens, comme le manuscrit du frère Mening (19 siècle), cet arbre demeure encore aujourd’hui très prisé des tisaneurs (herboristes locaux) qui intègrent son écorce (un élément essentiel) dans une préparation à base de rhum, utilisée contre certaines maladies du poumon comme la bronchite ou encore la pleurésie. Le problème étant que cette pratique, l’écorçage circulaire à vif, laisse de profondes et vilaines cicatrices qui lui sont le plus souvent fatales, ce qui le place aujourd’hui au rang des espèces protégées.

Ses indications : L’encens benjoin est utilisé généralement en diffusion, pour purifier l’air, surtout dans les environnements très fréquentés, afin de prévenir, durant la période hivernale, les maladies de contagion (comme la grippe). Son action balsamique stimule les défenses naturelles du corps en cas de refroidissement. Il possède également des propriétés tonique, réchauffante et sédative qui peuvent s’avérer utiles en période de stress, d’anxiété ou de déprime passagère. Il est enfin efficace dans les problèmes de peau, tel que l’eczéma, pour son action purifiante (dans ce cas il sera utilisé en application locale = décoction).

A noter : vous connaissez très certainement le « Papier d’Arménie » que l’on utilise comme désodorisant naturel en le brûlant, mais savez-vous que son composant principal est justement de la résine de Benjoin du Laos (Styrax benzoin) ?

C’est un chimiste, Auguste PONSOT, qui au cours d’un voyage en Arménie découvrit que les Ottomans avaient l’habitude de faire brûler du Benjoin pour désinfecter et parfumer leur maison. De retour en France et avec l’aide d’un pharmacien nommé Henri RIVIER il eut l’idée de dissoudre du Benjoin dans de l’alcool à 90° qu’il mélangea à quelques gouttes de parfum. Il utilisa ensuite un support, un papier buvard capable d’absorber parfaitement le mélange, qu’il enflamma à la manière Ottomane, et s’aperçut que celui-ci brûlait lentement et ce, sans produire de flamme : le papier d’Arménie était né !

Colle-colle (ou Guérit-vite, kol-kol, zerb Sin-Pol) « Sigesbeckia orientalis » : ce nom rigolo vient du fait que ces bractées (intermédiaires entre la feuille et la fleur) sont pourvues de poils très collants qui s’accrochent aux vêtements des curieux ou aux poils (et plumes) des animaux qui s’en approchent d’un peu trop près, c’est une espèce zoochore qui appartient à la famille des Astéracées (Asteraceae). Originaire du sud de l’Asie, cette plante qui affectionne les climats chauds et humides s’est parfaitement acclimatée au biotope des Mascareignes.

Très connue sur l'Île, elle est utilisée, traditionnellement, en bain ou en compresses dans le traitement des maladies de la peau, eczéma, acné, furoncle, maladies éruptives des enfants, les brûlures ou ulcérations de l’épiderme, mais aussi dans les affections buccales et les maladies du cuir chevelu. La présence de kirénol dans la plante lui confère des propriétés antalgiques. Elle contient également des phénols, des flavonoïdes, des tanins, des acides aminés et des acides organiques (certaines études dénombrent plus de 20 composés). Elle est aussi rafraîchissante, anti-inflammatoire et apaise les démangeaisons.

Mode de préparation : décoction des feuilles. Faire bouillir pendant 10 minutes entre 20 et 30g de plantes séchées concassées dans un litre d’eau, puis filtrer et appliquer en compresse ou ajouter la préparation à l’eau du bain.

La pharmacopée chinoise la considérant comme légèrement toxique, son usage en interne n’est pas recommandé.

Le bois de Rongue ou Flambeau à Maurice «Erythroxylum laurifolium Lam » cette plante hétérophylle (qui possède des feuilles de différentes formes et/ou longueurs) est un arbuste que l’on peut rencontrer un peu partout dans les sous-bois et forêts de la Réunion. Il peut atteindre (quand même !) 7 à 8 mètres de hauteur, ses feuilles sont un peu ovales et allongées, dotées d’une belle nervure principale teintée, de couleur bleu marine foncé. Ces fruits sont de petites drupes (fruits charnus à noyau comme la cerise) de forme allongée et de couleur rouge vif lorsqu’ils sont matures, pouvant être confondus avec des piments. Il appartient à la famille des Erythroxylacées « Erythroxylaceae » qui comprend environ 258 espèces originaires principalement d'Amérique tropicale, de Madagascar, des Seychelles, de l'atoll d'Aldabra, des Comores et des Mascareignes. D’un point de vue chimique, il est constitué de saponosides, d’alcaloïdes et de phénols. Il aurait des propriétés diurétiques et antispasmodiques permettant de lutter contre les coliques néphrétiques et les calculs rénaux mais aussi les problèmes de prostate et les troubles urinaires chez l’homme. L’écorce, quant à elle est utilisée dans l’arthrose, les douleurs articulaires et les migraines chroniques. C’est enfin un excellent « mange-graisse », les tisanes de bois de Rongue étant réputées efficaces pour lutter contre la rétention d’eau, la cellulite mais aussi déstocker les graisses accumulées dans les tissus adipeux.

Préparation de la tisane : faire bouillir 1 litre d’eau, verser l’eau sur 7 à 11 feuilles de Bois de Rongue, laisser infuser 10 min, boire dans la journée.

Contre-indications : ne convient pas aux enfants, femmes enceintes et allaitantes et aux personnes souffrant d' HTA (ne pas associer à des diurétiques de synthèse).

Rappel : l’usage des plantes n’est pas anodin, demander toujours conseil à votre médecin ou à un professionnel.

Pour terminer une petite pépite : recette locale et populaire, d’un remède contre les douleurs dentaires tirée de « Plantes médicinales de l'Île Maurice et des Pays intertropicaux » du Dr Clément DARUTY paru en 1886.

Prenez un nid de Cassebol (Mantis religiosa, je vous laisse deviner ce que cela peut être ! n’hésitez pas à laisser votre réponse en commentaire), faites le griller jusqu’au noir charbon. Pulvérisez-le et ajoutez-y une cuillère à café de miel et une de jus de persil. Employez en frictions plusieurs fois par jour sur les gencives enflammées pour calmer les douleurs de la dentition.

A ne surtout pas reproduire à la maison !!!

Sources : 

http://www.ethnopharmacologia.org/prelude2020/pdf/biblio-hd-38-daruty.pdf

https://aplamedom.org/

Valérie Lenfant

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